Petite (non- )histoire du Taiji Quan

L’histoire et l’origine du Taiji Quan sont des thèmes assez controversés, pleins de légendes et de flous historiques.

A propos de l’origine du Taiji Quan, les spécialistes se disputent aujourd’hui principalement autour de deux hypothèses : la naissance du Taiji Quan au village de Chen Jia Gou, dans le clan de la famille Chen ; ou bien dans les montagnes du Wudang par le légendaire Zhan San Feng.

Chen Wang Ting était un militaire haut placé de l’armée impériale à la fin de la dynastie Ming, vers 1650. Il aurait à l’époque créé une style de boxe d’une efficacité redoutable. Comme souvent à l’epoque, les styles de Gong Fu était jalousement gardés secrets. Maître Chen ne l’enseigna donc qu’à l’intérieur de son clan, la famille Chen. On n’utilisait encore pas le nom de Taiji Quan pour désigner son style, mais plutôt : la boxe des Chen, ou bien la Boxe Explosive (traduite parfois par « Poing Canon »).

Zhan San Feng était un moine qui étudia plusieurs années la boxe au temple bouddhiste de Shaolin, au douzième siècle cette fois. Il était passionné par l’art du Gong Fu et la recherche de l’éveil. Il quitta le temple de Shaolin pour errer en ermite et prolonger sa méditation. Arrivé au mont Wudang, il s’établit pour pratiquer résolument son Gong Fu. On raconte qu’un jour, voyant la bataille d’un serpent et d’une grue, il eut une illumination qui le mena à la création du Taiji Quan : le serpent l’avait emporté par ses mouvements circulaires, sa souplesse et son explosivité.

Il est à ce jour très difficile de départager les deux thèses par manque de preuves matérielles. Toutefois, une autre piste de réflexion est à mon humble avis envisageable : lors de mes études d’anthropologie, nous avons appris quelques notions d’épistémologie et de méthodologie scientifique. Le problème de la recherche de l’origine tient dans le fait qu’elle pose a-priori l’existence d’une seule source, d’un seul lieu et d’un seul moment de création. Comme si tout le Taiji Quan était le fruit des recherches d’une seule personne qui l’aurait inventé.

Avec les penseurs modernes (voir post-modernes) que sont Deleuze, Derrida, nous pouvons penser à déconstruire cette vision de l’unique origine. C’est d’ailleurs tout le propos des penseurs actuels du métissage (Laplantine).

Le Taiji Quan ne pourrait il pas être l’aboutissement d’un long développement, le résultat commun de la recherche de tous les nombreux maîtres du passé qui essayaient d’appliquer les règles du Dao aux arts martiaux ?

En effet, on pourrait définir le Taiji Quan comme l’art martial du Wu Wei – 無为 – ( le non-agir) le principe fondamental du Dao selon Lao Zi et Chuang Zi. N’y a-t-il pas pu avoir plusieurs fous du Dao au cours des âges pour s’adonner à la recherche du Wu Wei même dans l’efficacité martiale ?

Le mot lui-même : « Taiji Quan » est une création plutôt récente. N’a-t-il pas pu exister de multiples arts précurseurs de la boxe molle ? Nés en de multiples endroits ? Donnant lieux à de multiples traditions ? La controverse Wudang/village Chen nous apparaît finalement comme une opposition duelle assez pauvre. De multiples traditions ont pu naître en de multiples origines car le Taiji Quan est un esprit libre et fluide comme l’eau.

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